La métaphore de la montagne…
Le travail psychothérapeutique que je propose s’assimile à l’escalade d’une montagne avec un guide.
Le patient est le promeneur qui veut escalader la montagne qui se dresse sur sa route existentielle et l’empêche de continuer son cheminement. Après avoir essayé de la contourner, en vain, il ne sait plus par quel bout la prendre pour la dépasser. Le psychothérapeute que je suis est le guide qui peut l’aider à l’escalader, patiemment. Cette escalade que l’on envisage de faire à deux, s’effectue en plusieurs étapes.
1° étape : nommer la montagne à escalader
Le promeneur sait approximativement où se situe le sommet de la montagne qu’il veut escalader. Il la montre du doigt vers l’horizon, sans parfois parvenir à la montrer: parce qu’il y a des nuages ou plusieurs pics dans la chaine montagneuse. Il n’y a ni route toute droite, ni escalator sur les montagnes. Le promeneur ne sait pas par quel chemin y parvenir, quand bien même il veut la franchir car en se dressant sur son cheminement existentiel elle bouche ses perspectives de vie.
Mon premier travail consiste à nommer la montagne à escalader. Il s’agit de ne pas se tromper de montagne car comme le dit Camus, « mal nommer les choses ajoute du malheur au monde ». Humblement, progressivement, nous allons nous assurer que la montagne a escalader est bien celle que montre le patient – il faut en effet beaucoup de patience pour escalader une montagne, elle ne se laisse pas aisément franchir ni appréhender, déjà quand on essaye de la montrer, là, au loin.
Prendre son temps est important : quand on veut aller trop vite pour nommer la montagne on risque de se tromper, de devoir rebrousser chemin et de recommencer le travail de progression vers le bon sommet. Le temps est toujours un allié en psychothérapie aussi il ne faut pas le gâcher et s’impatienter. D’où l’importance de bien nommer les choses pour ajouter du bonheur au monde…
Ainsi, cette première étape consiste à « problématiser » (identifier ce qui fait problème dans l’existence du patient) avec ses mots à lui – pas les miens, même si je l’aide à formuler ses attentes et par-delà son besoin. Nous devons être bien d’accord sur la problématique que nous allons aborder – la montagne à escalader.
2° étape : évaluer l’entraînement et l’équipement du promeneur
Avant de nous lancer dans l’escalade, mon job de guide de montagne consiste à évaluer les capacités de mon promeneur à escalader les montagnes. C’est un peu comme en sport: on ne se lance pas dans une course de marathon en ne s’étant entrainé que 15 jours à peine. On risque d’y laisser sa santé et son moral! J’évalue le rythme auquel le promeneur peut marcher. Car le guide de montagne adapte toujours son pas à celui de son promeneur – et non l’inverse.
Idem pour l’équipement avec lequel vient le promeneur. Ce n’est pas la même chose de vouloir escalader le Mont-Blanc en tongues et en T-shirt que de l’envisager avec trois lourdes malles qu’on ne pourra pas porter sur son dos. Il va falloir trouver un juste milieu : il va falloir emporter l’essentiel pour voyager ni trop léger ni trop lourd, car la montagne est exigeante, voire dangereuse.
C’est pourquoi j’adapte le rythme des séances et même leur coût en fonction des ressources de mes patients. L’effort doit être proportionné pour chacun, en fonction de ses moyens et de sa situation personnelle.
3° étape : se donner une feuille de route
Nous avons un but, la montagne à escalader. Nous avons des ressources et des moyens pour cheminer. Avant de partir sur les flancs de la montagne, nous allons réfléchir à la meilleure façon de cheminer, en fonction des capacités et des données de l’environnement.
Nous pouvons nous servir de cartes topographiques, mais la carte n’est jamais le territoire. Nous l’avons vu plus haut: il n’y a pas de route toute tracée en montagne et il faut prendre en compte les aléas météorologiques (une bourrasque de neige qui va créer des congères sur notre chemin) ou humains (un coup de pompe ou des crampes qui nous retardent).
Il faut donc jouer avec les éléments et ses ressources. Nous l’avons vu plus haut, en thérapie comme en montagne, le temps (qui dure et non qu’il fait) est un allié. Le but n’est pas d’aller vite mais de cheminer, jusqu’en haut. On n’efface pas la montagne, on monte tout en haut, aussi grande soit-elle, aussi petit soit-on. Mais à la fin du chemin, quand on est sur le sommet de la montagne, on est plus grande qu’elle: nous sommes des nains perchés sur les épaule d’une géante. Notre appréhension à se sentir tout petit face à elle a été vaincue, nous sommes augmentés de notre cheminement, nous sommes départis de l’illusion de devoir l’araser. Puis on en redescend, et on peut continuer son chemin existentiel, de l’autre côté, dans le monde d’après.
C’est ainsi qu’on avance en thérapie. Le temps a parfois mis longtemps pour instaurer un mal-être, cela peut remonter à la petite enfance. Pour revenir à un état d’homéostasie psychique, d’équilibre, de paix intérieure, il faut de la patience, nous l’avons vu plus haut. Une montagne ne se conquiert pas en quelques heures. Il en est de même avec une problématique psychique ou mentale. Il faut prévoir en moyenne un an à un an et demi environ pour un travail psychothérapeutique.
Approche psychothérapeutique, techniques et rythme des séances
L’approche psychothérapeutique que je pratique s’affilie au courant de la psychologie existentielle, qui trouve son terreau dans le courant de la psychologie humaniste, née dans les années 1950. La psychologie existentielle se fonde sur près d’un siècle de recherches scientifiques et plus de 2500 ans de pratiques puisqu’elle s’ancre sur les principes des écoles de philosophies antiques gréco-romaines (par exemple les exercices existentiels) et celles des philosophies orientales, toujours en vigueur (par exemple la méditation). L’éthique adoptée est celle du code de déontologie des psychologues, notamment la neutralité bienveillante qui suspend le jugement du thérapeute vis-à-vis de son patient et l’acceptation sans conditions de son pathos.
Le travail thérapeutique se jalonne de concert avec le patient, en fonction de sa problématique. On fait cheminer ensemble des idées, des émotions et des comportements qu’ils soient passés, présents ou à venir, notamment avec des expériences de pensées, en face à face. C’est la méthode dialecticienne, popularisée il y a 2.500 ans par Platon et toujours utilisée par la plupart des psychologues. Elle s’appuie sur le dialogue socratique (ou maïeutique) qui permet une introspection bénéfique dans les profondeurs du Soi. Elle a été enrichi par les connaissances (tableaux nosographiques des psychopathologies) et techniques en psychologie développée depuis le XXème siècle (comme l’attention flottante, la non-directivité ou l’écoute active). Elle est complétée par la technique herméneutique qui consiste à créer du sens à deux, grâce à l’interprétation, par delà les non-sens des apparences (faux-sens ou contre-sens) durant les séances.
Plus pratiquement, le nombre de séances varie selon les personnes, quand bien même au démarrage pour les deux premières étapes, il vaut mieux les rythmer à une par semaine. Puis, quand on a trouver le bon rythme, les séances peuvent s’espacer car entre les séances le travail continue ; comme le dit si justement Heidegger « cela pense en soi » : dans son sommeil, dans les transports, dans un parc ou une forêt… Le réflexe c’est de faire de la « méta-communication » méditative: s’observer fonctionner, cheminer, au regard du travail qui s’effectue puis en parler à la séance d’après.
C’est ainsi que pas à pas, séance après séance, un jour, on arrive au sommet pour contempler avec enthousiasme le panorama qui s’offre à nous, par-delà la montagne, avec la joie de l’accomplissement sur le visage…
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